Psarus abdominalis (Fabricius, 1794)

Speight, Martin C. D., Athanasiades, Anouk, Bessat, Marie, Carvalho, Abby - Gaëlle De, Faye, Jean - David, Fleury, Dominique, Monod, Vinciane, Nicolas, Karel, Passaseo, Aurelia, Petremand, Gaël, Rochefort, Sophie & Castella, Emmanuel, 2019, Révision de la liste des Diptères Syrphidae du canton de Genève, incluant cinq espèces nouvelles pour la Suisse, Entomo Helvetica 12, pp. 87-98 : 95-97

Psarus abdominalis

Les espèces considÉrÉes ici comme probablement Éteintes dans le canton de Genève sont connues ailleurs en Suisse, même si ces connaissances sont basées sur un petit nombre de donnÉes. Au contraire, la mention de Psarus abdominalis dans le canton de Genève est la seule occurrence confirmée pour la Suisse. Ainsi, la disparition de cette espèce à Genève peut être également interprétée à l’échelle du pays dans son ensemble. Les collections du MHNG contiennent un spÉcimen ancien de Psarus abdominalis étiqueté « Genève, Beaume», sans date ni autre information. Maibach et al. (1992) attribuent à l’espèce un «statut à préciser» et la seule référence associée à son occurrence est une liste de Syrphidae suisses prÉcÉdemment publiÉe en 1889. Maibach et al. (1998) la listent comme espèce suisse en citant Maibach et al. (1992) comme base de cette dÉcision. Il y a un peu moins de 100 ans, P. abdominalis Était relativement bien répandue en Europe, du sud de la Suède au centre de la France et de la côte atlantique jusqu’à la Grèce et la Turquie. C’est une espèce de forêts décidues associée à divers types de chênaies. Aujourd’hui l’espèce est considérée, à peu près partout, comme menacée d’extinction ou éteinte. Dans les travaux forestiers, le remplacement des chevaux par la traction mécanique a conduit à la coupe de grandes surfaces à la place du prÉlèvement d’arbres plus isolÉs. On estime que P. abdominalis était associée aux forêts exploitées pour le bois de chauffage. Celles-ci impliquaient des cycles de rotation de la coupe en taillis, tous les 25 à 50 ans. Dans de telles forêts, un taillis pouvait rester productif pendant plusieurs centaines d’annÉes. La disparation quasi totale de ce type de forêts et de ce type d’exploitation à l’échelle européenne semble une raison logique de la disparition de l’espèce en Europe. Toutefois, ces forêts exploitées pour le bois de chauffage ne peuvent être qu’un habitat secondaire pour l’espèce. Des indices laissent penser que P. abdominalis serait associée aux forêts maintenues par le feu dans un état plagioclimacique, comme les chênaies thermophiles du sud de l’Europe où l’espèce est encore présente. Si cela est vrai, il semble donc très peu probable de pouvoir restaurer des conditions forestières propices à cette espèce.

Causes majeures de disparition

Si l’on considère les neuf espèces prÉcÉdemment discutÉes comme Éteintes dans le canton de Genève, les causes majeures de leur disparition paraissent à rechercher dans les changements d’occupation et d’exploitation du sol s’étant produits au cours des 150 dernières années. Parmi eux, les modifications de la gestion des forêts, l’intensification de l’utilisation des prairies et leur conversion en cultures jouent sans doute un rôle fondamental. Toutefois, la faune syrphidologique actuelle du canton, c’est-à-dire les espèces enregistrées depuis 2000, démontre que les espèces saproxyliques associées aux chênaies sont toujours bien représentées et que les espèces associées aux pelouses sèches non amendÉes persistent. La syrphifaune actuelle comprend des espèces saproxyliques qui n’avaient pas été remarquées avant 2000, l’une d’entre elles, Pocota personata, Étant nouvelle pour la Suisse. Etant donnÉ que les pratiques forestières commerciales conduisent à la coupe des arbres avant qu’ils n’atteignent un stade sénescent et qu’ils ne meurent sur place, les espèces saproxyliques deviennent d’une manière gÉnÉrale rares en Europe et sont souvent considÉrÉes comme menacÉes. La situation dans le canton de Genève est donc exceptionnelle compte tenu du niveau de représentation des espèces saproxyliques associées aux feuillus âgés. Ceci semble être lié à la présence continue de vieux arbres depuis avant l’époque où ceux-ci étaient systÉmatiquement abattus dès le dÉbut de leur maturitÉ. La persistance de taillis anciens peut sans doute être évoquée comme un mécanisme responsable par le passé du maintien de vieux arbres dans le paysage cantonal. Quels que soient les mécanismes exacts de ce maintien, il apparait que les chênes et frênes anciens qui ont été préservés dans le canton permettent actuellement la subsistance de certaines composantes de la biodiversité forestière généralement perdues dans les forêts actuelles.

Depuis les années 1950, les intrants (produits phytosanitaires et fertilisants) appliquÉs dans les champs agricoles ont eu diffÉrents impacts sur les organismes vivant en milieu rural ouvert. Parmi eux, les pesticides sont considérés comme ayant un rôle dans le déclin des populations d’insectes ( Ewald et al. 2015, Sánchez-Bayo & Wyckhuys 2019). L’utilisation de fertilisants (organiques ou minéraux) afin d’augmenter les rendements des prairies serait une cause suffisante pour réduire les populations de syrphes tel que Merodon clavipes , une espèce que l’on ne trouve pas hors de pelouses sèches non fertilisÉes. Or, le canton de Genève hÉberge plusieurs espèces de ce genre comme M. aberrans , M. albifrons et M. nigritarsis qui dÉpendent toutes de pelouses non fertilisées. Pétremand et al. (2017b) ont montré que Merodon nigritarsis peut s’Établir sous certaines conditions dans les vignobles et il est concevable que d’autres espèces de Merodon puissent maintenir des populations dans des habitats de substitution aux pelouses non amendées. Les vignobles sont également impliqués dans la prÉsence de Xanthogramma pedissequum dans le canton de Genève ( Pétremand et al. 2017b). Cette espèce commensale de fourmis dépend de la présence d’Aphididae racinaires en prairies non amendÉes. Il convient de noter la forte reprÉsentation dans la liste cantonale d’espèces de Syrphidae dont les larves sont associées aux fourmis vivant dans la zone racinaire de prairies anciennes non amendées. Il s’agit des genres Chrysotoxum , Microdon et Xanthogramma . Plus gÉnÉralement, il est intÉressant de constater la diversité syrphologique rapportée par les travaux récents en milieux agricoles genevois citÉs ci-dessus.

L’examen de la liste cantonale actuelle révèle la sous-représentation des espèces associées aux zones humides et aux bords de plans d’eau et cours d’eau. La mention d’un unique exemplaire de Sericomyia silentis vieux de plus de 100 ans constitue un exemple extrême de cette situation. Des échantillonnages ciblés visant à acquérir des espèces associÉes à ces conditions ne semblent pas avoir ÉtÉ conduits et s’avèreraient certainement très informatifs.

L’étude des Syrphidae dans le canton de Genève ne semble pas avoir suivi d’objectifs systématiques jusqu’à une période très récente. Avant 2000, les mentions d’espèces ont rÉsultÉ de captures occasionnelles et intermittentes au cours d’un siècle ou plus. Les études menées depuis 2014 (à la suite de Pétremand 2015), basées sur l’utilisation de pièges Malaise, ont considérablement changé la situation. Plus des deux tiers de toutes les espèces connues jusqu’alors ont été retrouvées en moins de cinq ans et le nombre total d’espèces rÉpertoriÉes a augmentÉ de 15 %. Cependant, les types d’habitats ayant ÉtÉ couverts par ces Études ne reprÉsentent qu’une faible proportion des milieux existant dans le canton. Il est ainsi facile de prévoir que toute étude future ciblant des habitats naturels ou semi-naturels non encore ÉchantillonnÉs apportera selon toute vraisemblance de nouvelles espèces à la liste cantonale.