Archaeobelodon filholi ( Frick, 1933 )
publication ID |
https://doi.org/ 10.5252/g2014n1a2 |
persistent identifier |
https://treatment.plazi.org/id/03F19B13-9C05-FFAA-38BE-FC2C3F96FC83 |
treatment provided by |
Marcus |
scientific name |
Archaeobelodon filholi ( Frick, 1933 ) |
status |
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Archaeobelodon filholi ( Frick, 1933)
Les caractères mentionnés plus haut permettent, à des degrés divers, de distinguer Gomphotherium angustidens des espèces de G. « groupe annectens », ainsi que de G. subtapiroideum et G. steinheimense . C’est paradoxalement d’un amébélodonte, Archaeobelodon filholi , que Gomphotherium angustidens se rapproche le plus sur le plan de la morphologie dentaire. Les deux espèces, contemporaines dans les zones MN6 et MN7 de l’Astaracien, sont toutes deux de grade trilophodonte avec une bunolophodontie marquée, c’est-à-dire non « subtapiroïde ». Elles ont longtemps été confondues, avant que Frick (1933: 535) décrive l’espèce Serridentinus filholi à partir d’une mandibule provenant de Sansan (mandibule avec m2 en fonction et m3 en éruption, MNHN.F.SA2908), et qu’ensuite Tobien (1972: 175; 1973: 260) range l’espèce dans le genre Platybelodon (c’est-à-dire un amébélodonte) jusqu’à ce que le nom de genre Archaeobelodon soit conçu à partir de l’espèce S. filholi ( Tassy 1984: 462) .
Les critères dentaires qui permettent de reconnaître G. angustidens par rapport à l’espèce A. filholi , reposent en premier lieu sur les défenses. Les défenses inférieures sont élargies et aplaties dorso-ventralement, leur bord médial est vertical selon la morphologie des amébélodontes ( Tobien 1973: 255, pl. 25; Tassy 1984: 471, fig. 1). Ces proportions sont déjà marquées à un stade juvénile précoce ( Tassy 1987: 14, 15, fig. 15). La figure d’usure dorsale des défenses inférieures ne creuse pas l’ivoire chez A. filholi ( Tobien 1973: pl. 25, fig. 23). De la sorte, les défenses inférieures de A. filholi se distinguent bien de celles parmi les plus aplaties de G. angustidens ( Figs 20C; 72J, K View FIG ; 74 View FIG ). Les défenses supérieures d’ A. filholi , quoique puissantes, sont primitives dans la mesure où la courbure est simple avec une bande d’émail régulièrement latérale. La forme de section transverse est comparable ( Fig. 75), avec un renflement médial moins marqué chez A. filholi . Les dents jugales sont moins discriminantes. La tendance morphologique principale des dents jugales d’ A. filholi concerne la multiplication des cuspides secondaire, aussi bien des conules posttrites que le dédoublement des cuspides du postcingulum. Cette complication de la couronne affecte aussi les molaires de lait sans changer le schéma de base ( Tassy 1984: 465, 472, fig. 2): la dp3, munie de nombreux conules prétrites et posttrites ne montre pas de contact alterne dans l’interlophide ( Fig. 76 View FIG ). Sur les molaires ( Fig. 77 View FIG ), même si les conules sont agrandis le trèfle prétrite reste symétrique, c’est-à-dire primitif à l’inverse de G. angustidens .
Cette proximité morphologique entre deux espèces contemporaines est assez étonnante. Elle va jusqu’à l’impossibilité d’identifier à coup sûr certaines molaires isolées, notamment les inférieures (Fig. 78). Ceci explique la confusion historique entre les deux espèces et la persistance des controverses. Ainsi, dans la série type de G. angustidens décrite par Cuvier (1806), la M 3 paralectotype ne pose aucun problème avec son trèfle dissymétrique, tandis que l’interprétation de la m 2 lectotype est moins immédiate ( Tassy & Göhlich 2012). Il est donc pertinent de rappeler, pour prendre des exemples parmi les gomphothères et les amébélodontes, que les molaires de Platybelodon danovi Borissiak, 1928 , un autre amébélodontidé du Miocène inférieur à moyen d’Europe centrale et d’Asie, ne sont pas non plus discriminantes ( Borissiak 1929; Belyaeva & Gabunia 1960; Gabunia 1973; Guan 1996; Wang et al. 2013). Elles sont restées à un grade trilophodonte, comme chez A. filholi , et ne sont morphologiquement pas éloignées de celles de G. angustidens ainsi que l’a souligné Borissiak (1929: 31) (voir également Belyaeva & Gabunia 1960: 71-73, 81, figs 4, 6, 9), même si les conules posttrites peuvent être plus nombreux chez P. danovi ( Gabunia 1973: pl. 3 fig. 4). À l’inverse, les défenses inférieures de P. danovi , agrandies, extrêmement aplaties et pourvues de dentine tubulaire, sont dérivées et nettement distinctes de celles de A. fiholi et a fortiori de G. angustidens ( Borissiak 1929: pl. 3, figs 1-2). Elles sont plus proches de celles de l’espèce du Miocène moyen d’Asie, Platybelodon grangeri (Osborn, 1929) alors que les dents jugales de cette dernière espèce sont plus dérivées en termes de complexité de la bunolophodontie, de proportions des molaires (plus étroites), de l’épaisseur du dépôt de cément coronaire, du grade tétralophodonte affirmé sur les M2/m2 ( Osborn & Granger 1931, 1932; Guan 1996; Wang et al. 2013). Autrement dit, les molaires de Platybelodon danovi ressemblent plus à celles de Gomphotherium angustidens et Archaeobelodon filholi qu’à celles de Platybelodon grangeri . Le degré de transformation n’est pas le même pour les différents caractères cranio-mandibulaires et dentaires de toutes ces espèces et aucun organe ne porte en soi le critère absolu. L’évolution en mosaïque (au sens de de Beer [1954]) ou hétérobathmie (au sens de Takhtajan [1959] repris par Hennig [1965]) – un piège pour les typologistes –, existe aussi chez les Elephantida.
Conclusion
En dehors des prémolaires (peu nombreuses) et de la dp2 (non trouvée), le gisement d’En Péjouan a livré une collection de restes dentaires qui donne une bonne idée de la variation morphologique intraspécifique. Le faible nombre d’éléments appartenant à de jeunes individus, molaires de lait et prémolaires est néanmoins regrettable. Les P3/p3 d’éléphantimorphes d’âge Miocène, notamment, montrent une variation morphologique certaine que les quatre spécimens mis au jour à En Péjouan ne permettent pas d’expliquer sous un jour nouveau. Il n’en reste pas moins vrai que les nombreuses défenses et molaires découvertes à En Péjouan illustrent convenablement la variation morphologique de Gomphotherium angustidens à l’Astaracien. Au vu des caractères dérivés de G. angustidens , la grande majorité des molaires de gomphothères de l’Orléanien supérieur (MN5) d’Europe occidentale semble bien appartenir à G. subtapiroideum .
Sur un plan plus général, ce résultat incite d’ailleurs à la prudence et à l’humilité dès lors qu’il s’agit de déterminer une dent isolée de gomphothère. Deux M3 aussi distinctes que celles montrées Fig. 50 View FIG , tant pour la morphologie que pour les dimensions, appartiennent bel et bien à une même espèce. Découvertes dans des lieux géographiquement et chronologiquement distincts elles auraient pu être attribuées à deux taxons différents à partir de la taille et de la divergence. À l’inverse, deux M3 isolées de Platybelodon danovi et de Gomphotherium angustidens , par exemple, découvertes dans un même gisement, pourraient être confondues en une seule espèce si l’on ne donnait pas le sens taxinomique proposé dans cet article à l’asymétrie des trèfles prétites et au nombre de conules posttrites.
N’oublions pas non plus que c’est parce qu’était attestée leur association dans une mandibule ainsi qu’avec un crâne (ou une portion de crâne) que certaines molaires, notamment inférieures – relativement peu transformées – ont pu être identifiées taxinomiquement en toute certitude. Le partage du grade bunolophodonte trilophodonte par quantité d’espèces d’éléphantimorphes de l’Ancien et du Nouveau Monde aboutit à un résultat particulièrement frustrant pour tout paléontologue- conservateur de muséums d’histoire naturelle: les dents isolées cataloguées incertae sedis devraient être plus nombreuses en collection que les dents dûment identifiées.
Cette étude des restes dentaires de G. angustidens d’En Péjouan ne résout pas tous les problèmes de délimitation de l’espèce dans un double cadre phylogénétique et stratigraphique, il s’en faut de beaucoup. Le Miocène est une époque où la différenciation taxinomique des éléphantiformes connaît un essor sans précédent. On peut espérer (sans trop y croire) qu’un jour l’espèce Gomphotherium angustidens et toutes les autres espèces miocènes, ne serait-ce que d’Eurasie, seront aussi bien connues que ne l’est le mastodonte américain, Mammut americanum , dont les squelettes entiers ne se comptent plus, espèce pour laquelle Cuvier inventa il y a plus de deux siècles le terme de « mastodonte » avant de l’appliquer au « mastodonte à dents étroites ».
No known copyright restrictions apply. See Agosti, D., Egloff, W., 2009. Taxonomic information exchange and copyright: the Plazi approach. BMC Research Notes 2009, 2:53 for further explanation.